Hamasophilie
“… Or cette néo-réalité est pleine de paradoxes. Par exemple, les peuples des États arabes, parfois même leurs dirigeants n’aiment pas le Hamas, ils ne veulent pas le voir déteindre sur leur pays, ni que ses semblables, c’est-à-dire les intégristes de chaque pays, prennent du pouvoir. Donc ils se réjouissent des coups que lui porte Israël. Mais ils ne doivent pas le montrer. Ils se réjouissent qu’Israël fasse le travail ; mais l’opinion « révolutionnaire » en Europe est favorable au Hamas : il a beaucoup de victimes parmi sa population, disons même qu’il fait beaucoup de morts parmi le peuple qui l’a élu. Donc l’opinion révolutionnaire ou progressiste, en Europe, est favorable à un pouvoir que les peuples arabes n’aiment pas, et dont les Gazaouites eux-mêmes commencent à être excédés. Ce paradoxe – d’ une opinion qui ne jure que par le peuple, et qui a une posture antipopulaire – ce retournement en reflète un autre : quand, dans une guerre, une des parties se sent d’autant plus victorieuse qu’elle a plus de morts parmi les siens, on est en pleine perversion.
Certes, on pourrait dire que les pro-Hamas en Europe n’entrent pas dans ses détails, ils voient mourir des femmes et des enfants, et leur cœur flambe d’indignation. On mettrait celle-ci au compte d’un profond humanisme, en s’étonnant de ne l’avoir pas vu s’exprimer à l’occasion d’autres massacres, ceux de Syrie par exemple. On s’étonnerait aussi que soit passé sous silence l’usage des femmes et enfants comme boucliers humains ; c’est un secret de polichinelle qu’on hésite à rappeler. Donc, en s’en prenant à Israël qu’ils traitent d’État assassin, sans un mot sur cette prise d’otages massive, ces grands humanistes adoptent la position du Hamas, une instance pas vraiment humaniste. … Nos progressistes et humanistes qui soutiennent le Hamas se retrouvent donc dans une posture régressive par rapport aux peuples arabes, qui cherchent toujours leur printemps …”
aus: Daniel Sibony: Quatrième lettre après Tel Aviv, 24.7.2014
08/14